Toronto, rencontre insolite
Toronto, rencontre insolite
Cette histoire est composé de 2 articles, ce deuxième article est composé de 4 parties, bonne lecture !
Partie 1 - Une soirée qui tourne mal
Il y a une petite astuce qui se donne entre voyageurs et encore plus si vous êtes une fille seule en voyage ; donnez toujours votre itinéraire à au moins une personne, et faites savoir si vous vous sentez en danger ou dans une situation inconfortable.
Depuis ce soir-là c’est un conseil que je m’efforce de suivre.
Un autre conseil donné est « ne laissez jamais votre téléphone se décharger » … mais bon…revenons-en à l’histoire…
A ce moment où je réalisais toutes ces choses citées dans le chapitre précédent, je n’ai eu qu’un réflexe. J’ai appelé la seule personne que j’avais impérativement envie d’entendre à ce moment où je sentais ma foi faiblir ; Maman.
« Allo maman !? Je ne reste pas longtemps, mon portable va s’éteindre. Maman, je crois que j’ai fait une bêtise, je voulais tellement ne plus subir de pression, ne pas une fois de plus me laissé imposer une chose que je ne voulais pas, je voulais juste pour une fois profiter d’une chose bien dans cette pu**** d’année de me***, j’ai voulu que Dieu me fasse grâce, je lui ai juste demandé une chose, je voulais aller et vivre un temps glorieux à ce concert, je voulais au moins bien finir cette année ! Et là je suis dans un bus, mon portable va s’éteindre, je ne sais pas comment arriver là-bas, j’ai laissé les filles rentrer seules, je ne sais même pas si elles y arriveront…je ne sais pas quoi faire, je suis désolée… »
J’entendais le bruit de la musique et les cris de joie des gens autour d’elle. Ma mère était elle-même allée faire le passage du nouvel an à notre église, entourée des gens que j’aimais, de mes amis, de mes connaissances, de ma famille…
Je redoutais de l’effrayer, mais j’avais besoin de lui dire ces choses alors que mon cerveau créatif et à l’imagination débordante depuis l’enfance, me rappelait tous les films de psychopathes qui agressent les personnes seules, ou toutes autres scènes tragiques dans lesquelles une fille seule, comme moi à cet instant, était la principale actrice mais aussi la principale victime. Tandis qu’en bonne héroïne je réfléchissais déjà à comment laisser des traces pour que les enquêteurs me retrouvent… (pathétisme et hystérie au maximum), j’entendis enfin sa voix au milieu de tout ce bruit.
« Ma chérie, depuis que tu es toute petite, Dieu m’a montré qu’il prenait soin de toi et qu’il veille sur toi. Je t’ai vu parfois faire des choses ou oser des choses qui pourrait inquiéter une mère, mais j’ai aussi compris que quand tu as une conviction, quand tu ressens une chose fortement, même si cela paraît fou, tu le feras et tu peux le faire sans craintes car je sais que Dieu est avec toi. Alors je ne m’inquiète pas. Tu as reçu d’aller à ce concert, alors tu vas y arriver ! Peu importe ce que tu traverseras, tu vas y arriver et tu passeras une bonne soirée pour clôturer cette année en beauté. Et quand tu seras là-bas, si tu peux recharger ton téléphone, tu me diras que tu vas bien. Et ne t’inquiètes pas pour les filles, elles vont y arriver aussi. Amuse-toi bien ma chérie ! Laisse-toi guider »
Nous avons échangé encore quelques mots et c’est plus apaisée et motivée que j’ai raccroché. De toutes les façons j’étais déjà en route sans possibilité de faire demi-tour. Je devais, et j’allais coûte que coûte arriver à ce concert !
Aujourd’hui alors que je vous écris tout cela, je souris derrière mon écran en me disant « Mais qui fait ça !!?? Non mais sérieux !! C’est quoi le problème de cette fille (en parlant de moi) » Je rigole parce qu’honnêtement je ne suis pas sûre qu’à la place de ma mère j’aurais répondu avec autant de calme à ma fille, ou mon fils. Je crois que je lui aurais d’abord dis « Mais tu es malade ou quoi !? ». Et c’est pour cela aussi que je veux prendre le temps à cette partie de l’histoire d’insister sur le fait que je vous partage mon histoire, mon témoignage, et si vous en tirez une leçon encourageante, j’en suis heureuse, mais j’insiste, ce partage n’est pas une INCITATION à suivre mon exemple. Ce que j’ai fait à ce moment où je suis montée dans ce bus, je l’ai fait avec une PROFONDE CONVICTION même si des doutes se sont levés sur la route face aux circonstances.
J’ai éteint mon portable pour conserver les 4% restant.
Le chauffeur a été honnête, il m’a déposé au quartier ou je devais normalement prendre un autre bus. Il m’a souhaité une joyeuse fête et bon courage et il est partit rejoindre sa famille.
Partie 2 - Coincée dans la neige
Dans la neige et seule complètement cette fois, en pleine nuit,
j’ai tenté de rallumer mon téléphone pour me rafraîchir la mémoire sur l’itinéraire.
La salle où avait lieu l’évènement s’appelait « Hall 4 ».
Malheureusement, le froid avait complètement rétamé la batterie et le téléphone ne s’allumait plus.
Tous les commerces étaient fermés.
Je ne savais pas quel bus prendre et je n’en voyais aucun à l’horizon.
J’ai donc décidé de marcher et voir si je trouvais quelqu’un ou au pire un endroit où passer la nuit.
Arrivée à une intersection quelques mètres plus loin, il y avait une jeune fille dans un abri bus. Elle était seule, mais aussi peut-être ma seule solution ! Je me suis approchée, elle avait un casque et ne m’entendait pas. Je l’ai touchée, elle a sursauté, je me suis excusée et je lui ai expliqué dans un anglais approximatif, que je cherchais la salle HALL 4 où avait lieu le concert où j’allais.
Elle a fait une drôle de grimace en répétant le nom de la salle et m’a dit qu’elle n’avait JAMAIS entendu ce nom. Toutefois, volontaire devant ma détresse, elle a accepté de rechercher l’itinéraire sur Google Maps.
Vous n’imaginerez jamais le soulagement que j’ai eu en l’entendant dire « Ah ! ». Ce n’est même pas un vrai mot mais il voulait tout dire avec cette intonation ! Un « ah » de « ah oui je vois », un « ah j’ai trouvé ».
Elle a continué :
« Alors, oui, il va falloir que tu prennes le bus numéro …euh…alors attends…alors c’est le prochain bus…qui…(un bus passa au même moment dans la rue d’en face) vient de passer juste là ! »
Elle a pointé mon « seul espoir » avec son doigt alors qu’on le regardait toutes les deux s’éloigner. J’ai vu le bus s’arrêter quelques mètres plus loin, j’ai couru pour tenter de le rattraper, mais, j’avais à peine traversé la route qu’il avait déjà redémarré et filé.
J’ai fait demi-tour pour retourner auprès de la jeune fille, un bus venait de s’arrêter près d’elle,
et alors que j’arrivais à grands pas, elle a crié
« Celui-ci c’est le mien alors bonne soirée !»
Je me suis mise à courir malgré le froid et la neige qui glisse en espérant que le chauffeur me verrait. Mais il ne s’est pas arrêté.
Je me retrouvais de nouveau seule. Le froid commençait à me faire mal, et j’avais la gorge sèche.
Ne voulant pas céder à la panique, j’ai vite repris mes esprits et j’ai décidé de retourner là où j’avais vu mon bus s’arrêter.
Je me sentais faiblir et j’avais envie de pleurer. J’ai supplié Dieu de m’envoyer une solution car je trouvais que cette soirée devenait un GRAND « n’importe quoi ». Bien plus de 20min plus tard, un autre bus est arrivé.
Le chauffeur a été super ! A peine montée, il a senti que j’étais complètement perdue, stressée, et fatiguée aussi…je lui parlais de Hall 4 et demandait comment y aller. Il ne connaissait pas non plus cette salle mais il m’a parlé d’un ancien aéroport. Je ne comprenais plus rien à ce qu’il racontait et j’avais beau lui dire que c’était une salle de concert, il me disait que c’était peut-être à l’aéroport que je devrais aller. Il a proposé de me déposer à la gare où je trouverais un bus pour m’y amener. A ce stade et complètement embrouillée, j’ai accepté d’aller dans cet aéroport, convaincu que c’était le seul endroit où je serais en sécurité pour la nuit. Après tout ce ne serait pas la première fois que je ferais une nuit dans un aéroport.
Une fois à la gare, le chauffeur m’a indiqué où me mettre et est parti.
Il faisait très noir, il n’y avait qu’un seul lampadaire pour éclairer la zone et il s’éteignait par moment. Je ne me sentais clairement pas rassurée. Je me sentais épiée. Une voiture de police était garée pas trop loin mais même les flics ne m’inspiraient pas confiance. Ils fumaient et buvaient alors qu’ils étaient visiblement en service. Mais bon…au moins ils étaient là. Pour me rassurer, je me suis mise à chanter doucement. Mais en regardant dans le coin noir à quelques mètres de moi, je vis une silhouette sortir et s’approcher dans ma direction. Je ne distinguais aucun visage. J’observais l’ombre et je reculais en même temps quand, soudain, j’entendis un bruit étrange à quelques mètres plus loin. J’ai jeté un rapide coup d’œil et j’ai vu un homme qui courait à toute vitesse suivit de deux policiers qui visiblement le pourchassaient. Les flics près de la voiture ont rigolé et n’ont pas bougé. Je me suis de nouveau retourné vers la silhouette, elle n’était plus là, je l’ai vu s’éloigner.
Le bus est arrivé.
Partie 3 - Pourtant j'avais réussi...
Quand je suis montée, mon anglais ne sortait plus, je n’arrivais pas à m’exprimer correctement. Le chauffeur, d’origine indienne, m’a regardé et m’a dit :
« Heyyyy ma sœur ! Calme-toi, respire ! Tranquille ! »
Il a haussé le son de sa radio et m’a proposé de m’asseoir car on ne partirait pas de suite.
Il y avait à peine 5 autres personnes dans le bus. Je me suis assise devant, non loin de lui. Je le regardais me chanter de tout son cœur, avec de multiples fausses notes, ce qu’il m’a présenté comme « SA » chanson. Et il m’invitait à la chanter avec lui.
Je ne vous le cache pas, il a réussi à me faire sourire. Quand je me suis calmée. Il m’a demandé où j’allais. J’avais à peine commencé à parler que d’un coup il me dit :
« Hey !! Tu parles français ! C’est trop coool !! Vas-y dit en français ! J’ai appris ça y’a au moins 10 ans, c’est trop cool de pouvoir parler avec quelqu’un ! »
J’étais tellement soulagée et il l’a vu ! Alors on a parlé de ce que j’avais vécu jusque-là et il n’arrêtait pas de dire « Waaaaaw, Waaaaaaw ». Quand je lui ai dit que je cherchais la salle « Hall 4 », certains l’auront compris, cette salle n’a jamais vraiment existée. Le chauffeur précédent avait compris que je parlais de ce fameux ancien aéroport dont les hall 4, 5 et 6, si je m’en rappelle bien, sont souvent réquisitionnés par la ville pour ce genre d’évènement.
Nous sommes arrivés à l’aéroport et je suis descendue reboostée, décidée et heureusement parce que de nouvelles galères arrivaient à grands pas. Il était déjà quasiment 23h et le concert avait commencé depuis plusieurs heures déjà. Eh oui, mon aventure avait duré bien des heures, et elle n’était pas finie. Mais ce petit moment avec ce chauffeur m’avait fait du bien. Il s’inquiétait que je puisse rentrer dans la salle, le fameux hall, alors il m’a annoncé qu’il repasserait faire une dernière ronde d’ici une vingtaine de minutes et que s’il ne me voyait pas à l’arrêt c’est que j’avais pu rentrer. Il me souhaitait une bonne soirée, un bon concert, et une très belle année pendant que je descendais. Il m’a aussi dit qu’il me trouvait très courageuse et que peu importe ce qu’avait été cette année pour moi, je méritais de la finir en chantant, et il est partit lui-même en chantant.
J’ai commencé à marcher vers le hall 4. J’étais déterminée quoique complètement épuisée. Je n’arrêtais pas de me dire « on ne peut pas souffrir autant pour aller quelque part ! ». J’étais très loin d’imaginer qu’en réalité les minutes qui allaient suivre auraient été encore plus atroces ! En marchant, un vent assez fort s’est levé, j’avais les jambes coupées par le froid, j’avais perdu mon bonnet et un gant, je ne sais trop comment, et je marchais courbée. Je pense sincèrement que ça devait faire peur aux rares personnes qui m’ont vu ce soir-là. Cela dit, je pense que c’était pire quand je me suis mise à parler fort toute seule, agacée par le froid, la fatigue, la rage de voir que le hall 4 était finalement bien loin de la route. Oui oui…vous avez bien lu, je râlais ouvertement et je pense que l’hystérie était à son maximum ! Honnêtement j’ai craqué à ce moment…j’aurai voulu vous dire que j’étais bien arrivé et fin de l’histoire mais c’est faux. Alors que je marchais avec peine pour rejoindre le hall, j’ai craqué, mais la raison de mon agacement allait bien au-delà de la soirée. J’ai dit à Dieu (oui parce que je ne parlais pas réellement toute seule, c’est à lui que je parlais…) tout ce que je n’avais pas osé dire pendant toute l’année. Toutes les fois où j’avais morflé sans comprendre pourquoi, et où je n’avais pas du tout eu l’impression qu’il était intervenu. Je lui ai dit à quel point je lui en voulais et j’ai pleuré et j’ai crié toute la douleur de ce que je ressentais et que je n’avais pas osé exprimer jusque-là. Je m’entends encore lui dire :
« Alors quoi, l’année n’a pas été suffisante !? Même au dernier jour il fallait que ce soit si difficile !!? Et quoi !!? Tu m’as permise d’aller jusqu’ici, loin de chez moi, loin des gens que j’aime, loin de tout pour me tuer dans la neige? Tu as tout pété, tous les domaines de ma vie, tu as explosé tous mes repères et c’est ça ma fin !? »
Je vous l’ai dit…j’ai craqué.
Et puis je ne saurai comment vous l’expliquer. La rage, la colère, les pleurs ont fait place à un silence tel que c’était affolant. Je ne ressentais plus rien. Ni le froid, ni sentiments, rien.
Je suis arrivée devant le hall 4. On ne laissait plus rentrer personne. Dépitée, j’ai vu une voiture de police au loin. Elle était vide mais je suis allée devant pour attendre. Qu’avais-je donc comme autre choix ?
Je me rappelle de ce gars, il portait un T-shirt bleu écrit bénévole dessus, il était visiblement de l’organisation. Il est passé devant moi et m’a regardé. Il s’est arrêté à moins d’un mètre de moi et est revenu me demander si j’allais bien. Je rigole derrière l’écran car je me rappelle lui avoir crié « NOOON » en lui déballant à quel point cette soirée était une catastrophe, en lui disant que je ne savais même pas si mes amies étaient arrivées à l’hôtel et que je ne savais pas quoi faire, que j’attendais les policiers et qu’au pire ils accepteraient peut-être de me laisser passer la nuit au poste où je serai en sécurité.
Je ne me rappelle plus de son visage mais je l’entends encore dire « Ohhhw OOOhw ok »
Son téléphone ne passait pas ou était déchargé, mais il a fouillé et demandé à une personne qui passait des sous et a payé une cabine téléphonique pour que j’appelle l’hôtel. Les filles étaient bien arrivées. Il est allé chercher les policiers qui m’ont gentiment expliqué qu’ils n’embarquaient que les criminels. Devant ma tronche déconfite, il m’a juste tenu le bras et m’a attiré vers un sas où il y avait une petite dizaine de personne. Il m’a dit d’y rester le temps qu’il trouve une autre solution et qu’au moins là je serai au chaud.
Je ne l’ai jamais revu. Il y avait trop de monde à ce concert. Mais, le sas où il m’avait mis, alors qu’on ne laissait plus rentrer, les vigiles ont décidé de nous ouvrir car nous n’étions pas nombreux.
On nous a amené dans une salle annexe où j’ai entendu le décompte. Il était minuit. Tout le monde criait « Bonne année » mais moi, le silence avait repris place. J’étais inerte, sans vie, sans aucune émotion. Complètement déconnectée. Je n’arrivais pas à me réjouir.
Je me suis levée pour chercher une prise électrique que je n’ai pas trouvé. J’errais quand un vigile, près de la porte de la salle officielle, m’a vu et m’a fait signe. Sans vraiment réaliser ce que je vivais, j’étais dans la salle du concert, dans l’allée principale. J’avançais vers le podium sans vraiment savoir ce que je faisais. J’étais ailleurs dans ma tête et en même temps nulle part. Une dame, a peut-être 10 rangs de la scène, m’a donné une place à côté d’elle en me disant « elle t’attendait » en tapotant la chaise. J’ai entendu, j’ai trouvé cela étrange et je me suis replongée dans mon silence.
Pourtant, j’avais réussi. J’étais là où je voulais. J’aurai dû être joyeuse mais non. Et vous savez quoi ? Je n’avais pas raté Kirk Franklin, cet artiste que je voulais tant voir et dont la musique avait soigné mes blues d’adolescente. Au moment où je longeais l’allée, les notes de ma chanson favorite avait commencé mais j’étais restée indifférente. J’étais assise là, vidée. Le portable a bien voulu faire un dernier effort et s’allumer à 1%, juste le temps de dire à ma mère :
« J’ai réussi, je suis au concert »
Partie 4 - Nouvelle rencontre insolite ou ange gardien ?
C’est étrange cette sensation que l’on peut ressentir quand on traverse ou quand on sort d’une longue période d’épreuves où on se voit subir la vie coups après coups sans avoir l’impression de pouvoir respirer entre deux. On a beau être forts, les coups à répétition peuvent clairement détruire notre joie.
Les fois où dans ma vie je me suis sentie rétamée, je sais que j’ai toujours trouvé refuge dans la musique. Il y a toujours eu un chant, à chacune de ces saisons, qui semblait dire ce que je n’arrivais pas à exprimer, ou qui m’envoyait un message que je devais entendre. Un chant qui venait percer les ténèbres dans lesquels je me trouvais et me ramenait à la vie.
Alors que Kirk donnait tout sur scène, il y a eu CE chant. Il disait :
Today’s a new day, but there is no sunshine
I smile, even though I’m hurt, see I smile Smile -Kirk Franklin |
Aujourd’hui est un nouveau jour, mais il n’y a pas de soleil Je souris, même si je suis blessé, regarde Je souris Je sais que Dieu travaille donc je souris Même si je suis ici depuis un moment
|
Comprenez que dans l’état où j’étais, ce chant n’était pas le premier que Kirk avait chanté mais le premier que j’ai entendu.
Ces paroles ont percé mes ténèbres et j’ai repris vie. Je me suis concentrée sur ce qu’elles disaient, et alors que les mots ne sortaient plus depuis un moment, j’ai essayé de chanter, j’ai fondu en larmes mais je continuais à chanter. Et contrairement au craquage plus tôt dans la soirée (vous êtes libres de croire ou pas), j’ai entendu une voix me dire :
« Voici où j’étais quand tu pensais que je n’étais pas avec toi »
Ce fut un épisode de ma vie que je n’arrive pas à m’expliquer et je ne saurai donc pas comment vous l’expliquer non plus. Mais d’un coup, j’ai revu comme dans un flash, toute ma soirée, tous les moments que j’avais vécu, toutes les péripéties et toutes les personnes qui avaient été disposées tout au long du chemin pour m’aiguiller. J’ai revu chaque scène réalisant que Dieu avait été là pour moi et que cette nuit aurait bien pu être une tout autre nuit, avec une tout autre fin, et peut-être même que vous n’auriez jamais pu lire cette histoire.
J’ai revu les grands moments de mon année qui avait été atroce et j’ai réalisé que Dieu ne s’était peut-être pas manifesté comme je l’attendais mais il avait été là.
J’ai pleuré, je me suis remise à sourire, je me suis mise à rire, j’ai commencé à danser, j’ai commencé à sauter. J’ai vécu un concert fabuleux, j’ai fêté cette nouvelle année et j’ai fermé l’année 2017 en lui disant au revoir avec tout ce qu’elle avait pu être. J’ai profité de mon début d’année en compagnie de gens que je ne connaissais pas et j’ai réalisé à quel point j’avais eu raison de tout faire pour être là à ce moment précis. Si j’étais restée à l’hôtel, aurais-je pu guérir de cette année qui avait été si compliquée ?
Vers 3h du matin, j’ai demandé à la dame à mes côtés comment prendre la navette pour rentrer dans mon quartier. Elle m’a indiqué le trajet à faire. J’ai tout mémorisé et je suis sortie. J’ai tenté de retrouver le bénévole qui m’avait aidé pour lui dire merci et que ça irait mais je ne l’ai pas trouvé.
En attendant les navettes, j’ai croisé une dame, elle devait avoir la cinquantaine. Plutôt courte, elle avait une béquille et un paquet à la main au nom de l’évènement. Je lui ai demandé où en trouver car je souhaitais garder un souvenir de cette soirée insolite, mais il n’y en avait plus alors elle m’a offert le sien. Comme j’étais tellement heureuse et dans une euphorie fortement visible, elle m’a demandé si ça allait. J’ai répondu oui et j’ai commencé à débiter toute cette histoire que vous avez lu. Elle a fait comme le dernier chauffeur en ponctuant mon histoire avec ses « waaaaw waaaaaaaw ». Je parlais vite, j’étais surexcitée, peut-être à cause de la joie, de la fatigue et réalisant en même temps que j’en parlais, à quel point cette histoire était folle !
Elle a tout écouté, m’a demandé si je savais comment rentrer, ce à quoi j’ai répondu oui en récitant en bonne élève tout mon itinéraire. Je n’ai visiblement pas réussi à la rassurer car elle a souhaité qu’on fasse le trajet ensemble. On a pris la même navette et je commençais à sentir la fatigue peser lourdement mais nous avons eu un échange magnifique durant tout le trajet. Je ne me rappelle plus de notre discussion mais je sais que j’avais trouvé son histoire fascinante et que nous nous sommes encouragées mutuellement. Arrivées à la deuxième étape, je devais prendre le métro et elle rejoindre une autre navette. Elle a tenu à m’accompagner à la gare mais quand nous sommes arrivées, les contrôleurs annonçaient qu’il n’y avait plus de rotations. Il fallait attendre 2h pour le prochain.
Ma compagne de voyage m’a proposé de me payer le taxi, ce à quoi j’ai répondu non et qu’elle n’avait plus à s’inquiéter pour moi. J’avais vécu pire cette nuit, je pouvais bien attendre 2h. Elle m’a expliqué qu’elle prendrait le taxi et qu’elle pouvait passer devant mon hôtel pour se rendre chez elle sans que la course ne lui coûte plus cher. Elle insistait, j’étais trop fatiguée pour lutter avec elle et je voyais bien qu’elle voulait s’assurer que j’arrive à destination.
Nous sommes donc montées dans le taxi. Je ne comprenais plus l’anglais à cette heure, aussi je l’ai entendu parler au chauffeur, sans capter un seul mot de leur discussion. Je me rappelle simplement qu’elle m’a demandé de patienter car elle allait vérifier une chose.
Elle est sortie de la voiture, elle est venue près de ma fenêtre et m’a dit :
« Ingrid, tu es vraiment une personne extraordinaire. Je te souhaite une excellente année car tu auras de grandes choses à accomplir. »
Je réalisais à peine qu’elle me laissait là tandis qu’elle disait au chauffeur de s’assurer de déposer « son amie » devant l’entrée de son hôtel.
Elle a tourné les talons et je l’ai vu disparaître sans même avoir le temps de lui dire « merci ». J’avais les larmes aux yeux réalisant tout l’amour et la gentillesse que m’avait une fois de plus témoigné une inconnue. Elle avait été une bénédiction pour moi et je réalisais à quel point elle l’avait été quand sur le trajet j’ai commencé à somnoler. J’ai compris qu’en réalité, j’aurais été incapable de tenir 10min de plus si j’étais restée seule à la gare. Mes nerfs, mes émotions, mon corps avait trop donné ce soir-là, j’avais besoin de dormir.
Quand nous sommes arrivés à l’hôtel, le chauffeur s’est assuré de me déposer devant la porte. J’ai même pensé qu’il allait rentrer dans le hall avec la voiture tant il s’était rapproché de l’entrée. Alors que je m’apprêtais à descendre, et alors qu’on n’avait pas du tout échangé durant le trajet, il m’a dit :
« Je ne sais pas qui vous êtes, mais j’ai fait ma part, j’ai fait comme il m’a été demandé. Je vous ai ramené devant votre hôtel et je me suis assurée que vous y entriez. Je vous souhaite une belle année mademoiselle, et je crois définitivement que vous avez de grandes choses à accomplir.
Je suis rentrée dans ma chambre. Les filles étaient dans leur lit. Mon amie s’est réveillée :
« -Ça va ? Ça a été ta soirée ?
-C’était une soirée complètement folle, mais c’était une belle soirée. Bonne année au fait !»
J’ai eu la chanson Smile de Kirk dans la tête pendant les 3 ou 4 jours suivants. J’ai réalisé petit à petit ce que j’avais vécu. Une soirée si folle qui a marqué le lancement de cette année-là pour moi et qui m’a relevé d’une année qui m’avait détruite. Honnêtement 2018 a eu son lot de chaudes périodes mais elle a aussi été une année où j’ai vécu des choses tellement extraordinaires que le positif à surplombé le négatif.
Quand je repense à ce soir-là, je ne regrette pas d’avoir osé écouter mon cœur. Je ne regrette pas d’avoir osé assumer mes choix et ma vision du voyage. Je ne regrette pas d’avoir été à Toronto pour une tour, et je suis reconnaissante de toutes ces rencontres qui m’ont enrichies humainement. D’ailleurs pour tout vous dire, quelques soirs après celui-ci j’ai été voir mon premier match de hockey sur glace, (eh oui j’étais au Canada tout de même !) et ce soir-là, j’ai de nouveau fait quelques rencontres. Mais surtout, une fois de plus, j’ai vécu une chose plutôt insolite.
Mais ça c’est une autre histoire…