Coup de foudre en Martinique
Coup de foudre en Martinique
Plus jeune quand je regardais ou lisais l’histoire de Peter Pan, j’admirais ce personnage qui refusait de grandir trouvant la vie d’adulte bien trop ennuyeuse.
Aussi je me disais souvent que je ferai toujours tout pour préserver cette part de l’enfance en moi afin de ne pas être une adulte ennuyeuse.
Malheureusement, plus jeune ce qu’on ignore, c’est combien il est facile de se laisser happer par le quotidien. On accumule les activités, on passe plus de temps au travail ou à l’école, on est vite bousculé et le temps manquant pour laisser place aux rêves, on les revoit à la baisse ou on les met de côté espérant un jour avoir le temps de s’y concentrer.
Ce qu’il y a de dangereux dans cette façon d’aborder la vie, c’est qu’on oublie souvent d’être conscient de ce qui nous entoure, d’écouter ce qui fait battre notre cœur et d’oser mener notre vie comme on le sent.
On peut sortir avec des amis boire un verre, rigoler et avoir l’impression de passer une bonne soirée alors qu’en vrai notre souhait était d’aller manger une pizza seul(e) face à un magnifique couché de soleil. Mais une personne de la trentaine ou de la vingtaine, ayant un boulot et sortant le soir boire un verre avec ses amis, correspond plus au modèle de la société.
Etre adulte dans le monde d’aujourd’hui est comme un cursus scolaire, à vingt ans il y a un programme de vie à respecter pour être dans les normes, à trente an un autre et ainsi de suite… J’étais dans l’année de mes trente ans. Il y a bien des cases de mon programme que je n’avais pas rempli ; encore célibataire sans personne en vue, pas d’enfants,…vous connaissez cette liste…
En revanche j’avais une vie bien remplie par mon travail dans lequel je me donnais énormément. J’avais des activités en nombre pour combler le reste du temps et quelques semaines l’année je m’accordais de partir en voyage.
Mais entre les voyages, j’étais en apnée dans mon quotidien, je survivais. Certains jours je me réveillais avec une envie si énorme d’être ailleurs ou de m’accorder une journée à juste être libre ! Les week-ends étaient trop courts pour cela, les activités prenant le relai du boulot de la semaine.
Un jour au travail, une occasion de faire une intervention extérieure chez un client s’est présentée. N’ayant aucun agent disponible à envoyer, j’ai décidé de faire cette intervention.
Elle avait lieu dans le Sud de la Martinique, dans la commune du Diamant.
Comme chaque matin, le réveil avait été bousculé, à peine debout il fallait partir. J’ai pris la route en vitesse et en bonne antillaise, je critiquais et m’impatientais quand les autres automobilistes prenaient trop de temps.
J’étais au téléphone avec ma collègue quand j’approchais du Diamant, nous faisions un point rapide en ligne et discutions du dossier du client que j’allais visiter. J’étais nerveuse, nuit courte, stress cumulé et saturation du quotidien. Je craquais après près d’un an sans être partie en voyage et donc sans avoir coupé un peu avec ce quotidien. Je ne saurai vous expliquer comment à cet instant j’ai perdu le contrôle de ma voiture en une fraction de seconde.
Le coup de volant que j’ai donné pour me remettre dans ma trajectoire a propulsé mon téléphone et mes écouteurs au sol côté passager, interrompant brutalement ma discussion avec ma collègue. Je m’entends encore lui crier « J’ai fait tomber le téléphone, je ne peux plus t’entendre ! »
Tentant de reprendre mes esprits et de réaliser ce qui venait de se passer, je me suis concentré sur la route, j’entrais alors au Diamant et je vis d’un coup toute la beauté du paysage qui s’étendait devant moi.
On y voyait l’océan sous un ciel magnifique, les couleurs de nos maisons du Sud, je ressentis le vent dans la voiture et j’entendis le bruit de la mer au loin. J’avais fait cette route des centaines de fois pour plusieurs raisons, je m’étais déjà baigné dans ces eaux, mais à cet instant c’était comme si je voyais ce paysage pour la première fois.
J’ai été émerveillée et je compris d’un coup ce que les touristes voyaient chez nous. Notre île est belle, elle est majestueuse, et j’ai la grâce inouïe de vivre dans ce petit paradis mais je l’avais simplement oublié.
J’avais oublié d’ouvrir les yeux et d’admirer nos levers et nos couchers de soleil face à l’océan, j’avais oublié les senteurs de chez nous, j’avais oublié nos rythmes traditionnels et j’avais oublié de simplement marqué des pauses dans mon quotidien pour me rappeler à quel point j’avais la grâce de vivre sur cette île.
J’ai garé ma voiture près du bourg, et j’ai été au bout du quai, m’accordant ce temps d’être émerveillé. A cet instant j’ai su que je retombais amoureuse de notre île. Je me suis excusé d’avoir parlé des merveilles d’ailleurs et de m’en être délecté oubliant de le faire aussi chez moi.
Ce jour-là, je me fis une nouvelle promesse, celle d’être chez moi, la voyageuse que j’étais ailleurs, ayant un regard qui s’émerveille, une approche sans préjugés, mettant en avant les beautés et les bonnes choses mon île, me laissant mener par une soif insaisissable de la découvrir toujours un peu plus.
Depuis attendre le prochain voyage est moins compliqué, et le temps me semble moins long car j’ai toujours cette impression d’être quotidiennement en vacances.
Si vous rejoignez ce blog à l’instant, que vous soyez Martiniquais ou pas, je ne peux que vous dire, bienvenue en Martinique, île au milles merveilles, où l’aventure se vit chaque jour…